• Jésus selon Mahomet (avis)

    Catégorie : SC Humaines / ESSAIS

    Titre : Jésus selon Mahomet 

    Auteur : Gérard Mordillat/Jérôme Prieur

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    1
    Mardi 26 Avril 2016 à 21:49

    JESUS SELON MAHOMET – Gérard MORDIALLAT et Jérôme PRIEUR – SEUIL/ARTE Editions

    La dernière enquête de ces deux compères est passionnante ! On peut même dire « Comme d’habitude ». C’est vrai qu’ils nous ont habitués à cet exercice, depuis tant d’années …

    Dans ce livre, les ressemblances et les contradictions entre les 3 religions monothéistes (en particulier entre l’islam et le christianisme) ainsi que les contradictions au sein des textes d’une même religion sont pointées avec une belle écriture claire et compréhensible à condition de ne pas bouder le plaisir de chercher de temps à autre la signification d’un mot spécifique du vocabulaire religieux.

    Concernant les thèses développées et/ou les recherches effectués dans ce livre, prenons le cas du « Fils de Marie ». « En nommant Jésus, ‘ Fils de Marie’ Marc met le feu aux poudres » disent les auteurs. Matthieu et Luc effacent aussitôt le nom de Marie de la généalogie. Matthieu écrit : « N’est-ce pas le fils du charpentier ? » et Luc écrit «  N’est-ce pas le fils de Joseph ? ». Car établir la filiation de Jésus par sa mère, c’est clairement reconnaitre qu’il est de père inconnu, que l’enfant est un bâtard. Et la naissance illégitime de Jésus demeure pendant plusieurs siècles une question non réglée. Dans l’évangile de Jean, le plus tardif, les pharisiens accusent Jésus : « Nous ne sommes pas nés de la prostitution », répercutant ainsi indirectement l‘accusation contre Marie.

    Ce blocage à l’égard de l’expression « Fils de Marie » n’est pourtant pas unanime dans la chrétienté des premiers temps. Le christianisme oriental, le christianisme syriaque en particulier, l’utilise volontiers.

    Que l’expression coranique « Fils de Marie » soit reprise à l’Église Syriaque, ou qu’elle provienne de traditions orales populaires n’empêche pas  que le Coran a dû résoudre un grand dilemme… Pour le Coran, insister sur la filiation par Marie, c’est insister sur la condition humaine et purement humaine de Jésus. D’ailleurs dans le Coran le nom de Marie est cité plus que celui de Jésus.

    Cela dit, en tant que lectrice lambda je constate une chose : pendant que les chrétiens s’entre-déchiraient et de Concile en Concile (Nicée en 325, Constantinople en 680) pour finir par trancher en faveur de Marie, les premiers musulmans l’ont respectée dès le départ. De la part d’une religion considérée aujourd’hui comme « macho », cela peut nous laisser interrogateurs… Mais l’explication réside peut-être dans le fait que plus tard le wahhabisme a considérablement changé la donne !

    En guise de conclusion au Chapitre « Fils de Marie » les auteurs écrivent : « Dans le Coran qui glorifie un monothéisme absolu, la filiation est directe entre le judaïsme et l’islam. En surgissant à l’intérieur de cette histoire, le messie Jésus fils de Marie a tout pour apparaitre comme un corps étranger. C’est pourtant sur ce fil, en suivant sa trace que l’on peut comprendre comment s’est formée la doctrine de Mahomet, comment l’islam a pu commencer à émerger en Arabie au début du VIIe siècle, et le rôle joué par le christianisme dans cette histoire ».

    Sous le chapitre « Un Coran chrétien » de nombreuses questions sont posées, certaines déductions sont faites et certaines réponses sont fournies :

    ·         Qui sont les judéo-chrétiens  (en tout cas pour les juifs ce sont des chrétiens et pour les chrétiens ce sont des juifs ..) ?

    ·         Qui était « l’informateur » de Mahomet (sans doute un nazaréen) ?

    ·         La « Mère des cités », est-ce La Mecque ou est-ce Jérusalem ?

    ·         Pourquoi insister sur le fait que « le Coran est écrit dans une langue claire pour les Arabes» ?

    (Le mot « Coran » lui-même n’est pas un mot arabe et il y a une centaine de mots d’origine non arabe sur les quelque 6 616 mots que compte le vocabulaire coranique).

    Quant au chapitre consacré à la lignée des prophètes, les auteurs disent « Et lorsqu’on veut définir ce qui provient de qui ou de quoi, on a toutes les chances de se tromper parce que les sources ne peuvent plus être distinguées tellement elles sont mélangées. Le Coran est un maelström. (...) Le Coran porte la mémoire d’une très riche tradition d’échanges culturels et religieux d’où émergera une nouvelle structure qui deviendra l’islam avant même de le savoir.

    La main basse du wahhabisme sur l’islam fait qu’actuellement on ne peut même plus faire des recherches : L’Arabie Saoudite actuelle interdit depuis longtemps toute fouille archéologique et le quotidien Al-Quds al-Arabi a rapporté, dans son édition datée du samedi 20 avril 2013, que le grand mufti wahhabite, Abd al’Aziz ibn Adbdallah al-Shayik, avait déclaré licite de détruire les mosquées et les maisons de Mahomet, de sa femme et de sa famille ! Le wahhabisme a pour projet de faire une « table rase » du passé pour arrêter toute discussion, tout échange sur ces sujets d’une importance extrême surtout par rapport à l’actualité brûlante….

    Bonne Lecture.

    2
    Oggy
    Mardi 26 Avril 2016 à 22:49

    « Jésus selon Mahomet »  de Mordillat et Prieur est une partie de la somme érudite des informations et connaissances qu’ils ont accumulées tout au long de leurs recherches sur Jésus et le christianisme, depuis plus de 20 ans.
    Autant dire que, malgré le glossaire inséré à la fin de l’ouvrage, on ne peut lire celui-ci sans un minimum de connaissance de l’histoire des «trois religions du Livre» et sans des recherches fréquentes dans divers dictionnaires et encyclopédies en ligne !

    Mais cela en vaut la peine, en nos temps troublés, si on souhaite ouvrir les yeux sur ce qui a conduit les adeptes des trois doctrines méditerranéennes à devenir des frères ennemis, alors que chacune de ces religions n’aspirait qu’à faire revenir les brebis égarées dans le giron de la « vraie foi » d’Abraham : Moïse pour détourner les hébreux du Veau d’Or, Jésus pour en finir avec les marchands du Temple et les Pharisiens et Mahomet enfin, pour réaffirmer l’unicité de Dieu ( la Shahâda :« Lâ ilâha illa lâhou » : Nulle divinité hors Allah), face aux chrétiens embrassant le  mystère de la Sainte Trinité et aux polythéistes de la péninsule.
    Mais, Mordillat et Prieur nous montrent aussi  que la simplicité de nos pères n’était déjà plus de mise quand le Coran a été révélé à Mahomet… qui n’a d’ailleurs pas consigné lui-même la parole de Dieu par écrit.
    La transcription de cette parole a été l’objet, au cours du temps et pareillement aux Evangiles, de multiples disputations, réfutations et controverses. Les auteurs pointent, avec cet ouvrage, non seulement les multiples similitudes et récusations du « Livre » méditerranéen commun mais aussi les évolutions et contradictions d’un Coran que Mahomet ne reconnaîtrait peut-être pas. Mais comment pourrait-il en être autrement « dans ce laboratoire des religions qu’est l’Arabie du VIIé siècle [où] se déploie un éventail de variations sur le thème monothéiste » ? « Le Coran est un maelström », nous disent-ils.

    Alors « et Jésus dans tout cela » comme l’aurait dit Jacques Chancel en son temps ?
    On le voit, les auteurs nous rappellent que Jésus (Issa) est reconnu comme un prophète majeur du Coran et aussi un être à part : tout comme Adam, il est crée par Dieu et pas né par un homme. Pour le Coran « le Fils de Marie » n’est donc pas un bâtard. Mais il n’est pas l’incarnation divine que lui prête le christianisme. Il n’est d’ailleurs peut être ni mort sur la croix, ni ressuscité.

    Un autre intérêt de « Jésus selon Mahomet » est aussi de nous rappeler aussi que l’instrumentalisation politique des textes sacrés ne date pas d’aujourd’hui. Les religions, probablement sans aucune exception, sont des outils politiques : « Le pouvoir politique doit obligatoirement apparaître comme un pouvoir sacral, donc détenir un texte qui justifie son existence » … et c’est donc le calife omeyyade Abd al-Malik, conquérant et surtout grand réformateur, qui non seulement fit construire la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem (ville du Temple juif, où Jésus fut crucifié  et un des lieux saints de l’islam, faut-il le rappeler ?) mais aussi qui fut l’initiateur du Coran canonique, quasi définitif, près d’un siècle après la mort du Prophète.

    « Jésus selon Mahomet », bien que d’un abord ardu, nous permet de mieux comprendre notre monde d’aujourd’hui et la complexité à laquelle nous faisons face actuellement pour tenter d’éviter un futur terrifiant. Lecture salutaire donc.

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