-
Terreur dans l'hexagone (avis)
Catégorie : SC Humaines / ESSAIS
Titre : Terreur dans l'hexagone
Auteur : Gilles Kepel
Résumé : Voir le résumé
Accès au vote : Donnez votre note (la note donnée n'est plus modifiable)
Lecteur en cours :
-
Commentaires
2OggyMercredi 4 Mai 2016 à 21:41Le sous-titre de « Terreur dans l’Hexagone » est « Genèse du djihad français » et c’est bien ce sujet précis qui est abordé dans cet ouvrage.
Les raisons de l’émergence et de l’essaimage du djihad international ont été analysées par d’autres et le livre les rappelle, bien sûr, à travers le chapitre sur «L’appel à la résistance islamique mondiale » de Suri, chapitre résumant aussi les 3 temps de ce djihad, depuis la victoire des talibans en Afghanistan, en passant par Al-Qaida pour aboutir à Daesh, sans oublier le « bruit blanc » du conflit israélo-palestinien.
Mais il se focalise plutôt sur nos spécificités françaises, sur les causes profondes, indirectes et directes de ce djihad français, au-delà de notre désarroi national.
« Les mutations des banlieues, le changement de génération des leaders de l’islam en France et les transformations de l’idéologie du djihadisme international [ont] tout d’une rencontre du troisième type ». Mais cette rencontre a été favorisée par le développement accéléré des réseaux sociaux, media dont les différents avatars de nos services de renseignement nationaux ont sous-estimé l’ampleur pendant de longs mois.
Si nous croisons cela (ha ha ! il y a un message subliminal ici) avec une politique politicarde des gouvernements et élus locaux de tous bords qui ont poursuivi des politiques électoralistes plutôt que de rechercher de vraies solutions au « problème des banlieues », si nous réalisons que la génération des banlieues en flammes de 2005 a atteint l’âge du droit de vote depuis longtemps, tout comme ses petits frères, si nous y ajoutons un zeste d’ultra gauchisme pour qui les nouveaux « damnés de la terre » ne sont plus, depuis longtemps, les prolétaires, abandonnés au Front National, mais les «non-souchiens », ainsi que la porosité pas si inattendue entre l’ultra-gauche et l’ultra-droite… nous avons un tableau si complexe que nous ne devons pas nous étonner si des esprits simples et frustrés se tournent vers ce que leur promettent de faux-prophètes.
Le livre décrit les trajectoires sinistres de Mehrah, Coulibaly et autres Kouachi, pour ne citer que les plus connus. Celles-ci se ressemblent toutes, avec leur passage quasi obligé de la petite, moyenne ou grande délinquance vers la radicalisation finale en passant par la case prison, sans oublier leur capacité à passer sous les radars grâce à une organisation réticulaire et à la taqiyya (dissimulation, comme par exemple Hayat Boumedienne, madame Coulibaly à la ville, en maillot deux-pièces lors d’un séjour en Asie du Sud-Est).
Le tableau dressé par Kepel et Jardin est très sombre et, si les causes et leurs imbrications sont clairement analysées, il ne me semble pas que nous soyons prêts aujourd’hui à mettre en œuvre les solutions qu’ils préconisent :
écouter les électeurs d’obédience musulmane, dont l’immense majorité refuse l’intégrisme, voire pour de nombreux d’entre eux, ne font pas de la religion la priorité de leurs vies, ce qui va donc signifier d’abandonner le clientélisme qui prévaut dans nos banlieues depuis des décennies ;
mais aussi refonder, au lieu du laïcisme laïcard, un vrai pacte laïque : «Si une institution […] nous semble devoir être refondée et reconstruite pour traiter sur le long terme cet immense défi, c’est l’instruction publique*, tombée aujourd’hui dans l’indigence du fait d’une impéritie coupable de la classe politique toute entière ».* Ce sont les mots des auteurs, qu’ils soulignent et qu’ils pèsent… et moi aussi.
Bonne lecture et puissions-nous, en 2022, éviter de considérer le Président de « Soumission » (Houellebec) comme un soulagement !!
Ajouter un commentaire
Terreur dans l’Hexagone – Genèse du Djihad Français – Gilles Kepel – Antoine Jardin - Gallimard
Pourquoi est-il impératif de lire le dernier livre de Gilles Kepel, écrit avec Antoine Jardin « Terreur dans l’Hexagone – Genèse du Djihad Français », toutes affaires cessantes ? La raison est simple : On doit comprendre ce qui se passe pour voir clair et « s’armer » intellectuellement, car la très prochaine échéance dans la lutte contre le djihadisme se jouera en bonne partie dans les urnes.
Dans ce livre les faits sont reliés, le vote « mouvant » des musulmans est analysé (saluons les très factuelles analyses d’Antoine Jardin) et les responsabilités sont identifiées.
« .. Plusieurs centaines de nos compatriotes ont rejoint le « califat » du Levant et, au début de 2016, plus de quinze cents se trouvent dans un processus de départ ou de retour. La plupart d’entre eux sont des enfants de l’immigration musulmane postcoloniale, mais la proportion de convertis, jeunes gens comme jeunes filles, est de l’ordre de un pour trois ou quatre.
Pareils chiffres obligent à envisager cette terreur inédite comme un révélateur du malaise français et de l’incapacité des élites politiques et économiques à avoir prise sur les transformations de la société ».
En même temps « cette » jeunesse entre dans la citoyenneté française par le biais du vote.
Il est important de prendre connaissance de certains faits qui sont là depuis 2005, comme notamment les émeutes des banlieues et l’Appel à la Résistance islamique mondiale d’Abu Musab al-Suri.
Que savons-nous du contenu de cet Appel?
Pourquoi l’année 2005 est-elle une année charnière ?
A-t-on bien mesuré la portée des réseaux sociaux et de YouTube qui sont entrés d’une manière fracassante dans notre quotidien et qui ont servi de relais pour prêcher la « bonne parole » de Al-Suri et des autres ?
Qui sont ces djihadistes de la 3ème génération ?
Comment le salafisme parvient à hameçonner en ligne les jeunes un peu perdus et en quête d’absolu ?
Comment les problèmes du chômage et de la discrimination envers les musulmans, comme à Lunel, seront-ils résolus grâce à la stricte application de la loi religieuse, selon certaines descriptions de la vie sous Daesh évoquant l’utopie d’un avenir islamique radieux ?
Comment la personnalité de Nicolas Sarkozy a-t-elle accentué les divisions ?
Comment, dans certains nombre de cas et notamment en Seine Saint Denis, l’inclusion de figures islamistes sur les listes de centre droit apporte la victoire à celles-ci ?
Comment pour une certaine « gauche », « les musulmans » se sont-ils substitués au « prolétariat » comme levain de l’avenir radieux ?
Comment la Manif pour Tous a-t-elle permis une coalition conservatrice d’un nouveau type entre catholiques et musulmans « intégraux » ?
« Devant l’impossibilité de rejoindre le courant dominant de la société française, certains jeunes de banlieue populaire, en particulier musulmans, s’inscrivent en rupture » lit-t-on dans ce livre.
«Les vecteurs de la politisation des électeurs des quartiers populaires sont donc multiples. S’ils dépendent des thématiques économiques, ils se nourrissent également des enjeux sociétaux et des questions internationales ».
A la lecture de ce livre je me pose également les questions suivantes :
Si on a besoin de mieux comprendre pour mieux voter (hélas c’est la seule chose qu’on puisse faire dans notre branlante démocratie), pourquoi le Département des Etudes de Sciences-Po est-il fermé depuis décembre 2010 ?
Pourquoi les écoutes de certains personnages comme Coulibaly ont elles été désactivés en 2014, quelques mois avant la tuerie de Charlie Hebdo ?
« Le prix à payer pour cet aveuglement volontaire et cette surdité délibérée est déjà lourd, et le sera plus encore pour des politiciens sans étoffe, désormais dépourvus de solutions aux défis du djihadisme et frappés de mutisme devant les philippiques* du Front National en ce domaine» dit Gilles Kepel.
Et je me pose une dernière question :
Pourquoi L’Arabie saoudite n’accorde que chichement à des jeunes marginalisés des visas d’études dans ses propres universités alors qu’elle finance Daesh ?
*Philippique : Discours violent et polémique.